Introduction du mémoire.


Introduction : Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3

UMR 5185 ADES-TEMPOS

 

La valorisation des toilettes sèches dans l’hexagone : de la représentation au corps, aux enjeux environnementaux.

Mémoire de fin d’étude de géographie (M2 recherche)

Charley MEIGNANT

Soutenu le 7 juin 2012

Membres du jury :

  • Denis RETAILLE (professeur, université Michel de Montaigne Bordeaux 3)

  • Isabelle SACAREAU (maitre de conférences, université Michel de Montaigne Bordeaux 3)

  • Véronique ANDRE LAMAT (maitre de conférences, université Michel de Montaigne Bordeaux 3) (directrice du mémoire)

 

 

Introduction

 

« Paris jette par an vingt-cinq millions à l’eau. Et ceci sans métaphore. Comment, et de quelle façon ? Jour et nuit. Dans quel but ? Sans aucun but. Avec quelle pensée ? Sans y penser. Pour quoi faire ? Pour rien. Au moyen de quel organe ? Au moyen de son intestin. Quel est son intestin ? C’est son égout. […] La science, après avoir longtemps tâtonné, sait aujourd’hui que le plus fécondant et le plus efficace des engrais, c’est l’engrais humain. […] Employer la ville à fumer la plaine, ce serait une réussite certaine. Si notre or est fumier, en revanche, notre fumier est or. […]Vous êtes maîtres de perdre cette richesse, et de me trouver ridicule par-dessus le marché. Ce sera là le chef-d’œuvre de votre ignorance. » (Extrait des Misérables (1862) de Victor Hugo, Tome V – Jean Val jean – L’intestin de Léviathan)

Victor Hugo serait surement hors de lui à l’idée de savoir que 150 ans après, la situation n’a fait que s’accentuer autour de cet or bleu, dont les vertus sont considérées comme bénéfiques tant pour le corps humain, que le commerce, l’énergie, la chimie, l’industrie… Elle va même jusqu’à effectuer le rôle exclusif de transporteur de nos « merde » loin de tout contact avec cette chose considérée comme impure. Le chef-d’œuvre de l’ignorance se trouve peut-être là ?

Mais n’en restons pas là, car de tout temps la prospective a été un exercice périlleux, mais nécessaire pour toute évolution, allant ou non dans le sens de notre démarche, car « gouverner, c’est prévoir » (Émile de Girardin)… et donc agir. L’équation en est d’autant plus complexe que la population  mondiale ne cesse de croître, dépassant aujourd’hui les 7 milliards d’habitants et approchant les 9 milliards d’ici 2050 (Bethemont, 2010). Comme de nombreux spécialistes tiennent à le dire, le principal défi dans les années à venir sera d’ordre trophique (Bethemont, 2010). Qui dit nourriture, dit agriculture (céréalière, maraichère, élevage). Qui dit agriculture, dit eau. Qui dit eau, dit gestion d’une ressource vitale que l’on se doit de préserver tant dans sa sphère qualitative que quantitative.

À cet effet, nos politiques guident la partie en nous proposant des moyens pour réduire notre consommation d’eau domestique comme en atteste le site institutionnel www.jeconomiseleau.org. Les sanitaires emportent donc la deuxième place des organes les plus aquavores d’un foyer. Pourquoi ne pas tout bonnement le retirer de cette liste en mettant en place des systèmes de toilettes n’utilisant pas d’eau, plus communément appelées toilettes sèches (TS) ?

Il est vrai que d’autres secteurs consomment davantage d’eau dans l’hexagone tels que le secteur agricole ou encore le secteur industriel. Mais est-ce une raison suffisante pour se dégager de toute responsabilité ? Tout le monde est concerné. Pour certains c’est un simple « délestage », vital pour l’organisme. Pour d’autres un métier comme en atteste Martin Monestier, auteur d’Histoire et bizarrerie sociales des excréments (1997), dénombrant environ un demi-million de personnes travaillant directement ou indirectement dans des activités touchant à l’excrémentiel.

La question est à prendre à bras le corps dans la relation que nous entretenons avec ces Lieux (R-H Guerrand, 1985) et ce qui y est déposé, et cela dans une réflexion écosociosystémique (Nicole Mathieu et Yves Guermond, 2005, p.58) de la ville (ainsi que de la campagne).

En quoi les toilettes sèches peuvent-elles être considérées comme un modèle de développement pour les « villes durables » de demain1 ? Quels sont les freins comportementaux pouvant expliquer d’éventuelles réticences à l’adoption de tels systèmes mettant à bien les principes de préservation de la ressource en eau ?

Afin de répondre à ces questionnements, nous proposerons une étude en trois volets.

Le premier volet, intitulé « analyse réflexive », fera une rétrospective du rapport que les Français ont eu avec leur déjection au cours des siècles, pour ensuite s’attaquer au cadre biologique, législatif, agronomique concernant nos urines et nos selles. Nous terminerons par la présentation de certains dispositifs de toilettes sèches en montrant les enjeux qu’ils remplissent d’un point de vue sanitaire, environnemental, économique, et sociogéographique.

Dans un deuxième volet, nous expliquerons la méthodologie déployée pour mener à bien l’enquête réalisée dans le but d’analyser la réaction, le degré de connaissance, la sensibilité des populations étudiées face à la problématique de l’eau, de l’assainissement et des sanitaires (en matière de représentation).

Dans un troisième et dernier volet, nous traiterons les résultats obtenus en tentant de leur donner un sens objectif afin de parfaire ou appuyer les représentations que l’on se fait de ce lieu si intime, dont une évocation sérieuse serait considérée comme inconvenante. Une analyse du questionnaire réalisé dans des classes de CM1-CM2 sera détaillée en fin de partie.