L’eau et les toilettes à eau (quatrième partie) : Les boues de stations d’épuration et leur épandage en milieu agricole


« enlevez le linge, je tiens la crasse » – Coluche

Les eaux grises, produit de l’évacuation de nos excréments, de nos douches/bains, de nos vaisselles, de nos lessives… sont acheminées, pour tous ceux rattachés au tout-à-l’égout, dans des stations d’épuration afin d’y être « nettoyées ». Dans ces usines de traitement des eaux, on observe 4 stades de « dépollution » de la molécule bleue : il y a dans un premier temps une phase de dégrossissement des déchets (dégrillage, dessablage, déshuilage) permettant d’enlever les déchets les plus grossiers (matières flottantes, sables, graisses). Puis, une phase de décantation statique permet aux matières les plus lourdes de se retrouver au fond des bassins de traitement. Ce traitement élimine 50 à 55% des matières en suspension (C. Elain, 2002). La troisième phase relève d’un procédé biologique consistant à mettre en contact, en aérobie, les matières organiques avec des bactéries se nourrissant de la pollution organique, minéralisant une partie en nitrates et phosphates.

De là, selon des normes réglementaires fondées sur les directives européennes, les eaux traitées sont remises dans leur milieu naturel laissant des résidus derrière elles que l’on nomme  les boues d’épuration (STEP) pouvant être d’aspect liquide, pâteux ou chaulé. Selon  le Ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, en 2009, « la production de boues issues du traitement des eaux usées domestiques est estimée à 15 à 20 kg de matières sèches (MS) par an et par personne ».  Comment les éliminer et/ou les utiliser ? A quel prix ?

Selon le décret n°97-1133 du 8 décembre 1997 relatif à l’épandage des boues issues du traitement des eaux usées, le terme de boue désigne « les sédiments résiduaires des installations de traitement ou de prétraitement biologique, physique ou physico-chimique des eaux usées ».

En France, il existe trois filières d’élimination des boues (Alexandre Dudkowski, 2000) :

  • 50 à 60 % sont épandues en agriculture en tant que fertilisant
  • 20 à 25 % sont mises en décharge
  • 15 à 20 % sont incinérées, avec une production de résidus à éliminer

On constate donc aujourd’hui, et ce depuis plusieurs décennies, que les agriculteurs sont les premiers acteurs homologués par l’Etat pour épandre sur les terres arables les boues de stations d’épuration dans le cadre de la politique de préservation de la qualité des eaux naturelles. A en voir le tableau ci-dessous, cela ne cesse d’augmenter sur la période 2003-2008, passant de 946 000 tonnes de matières sèches (T MS) en 2003 à 1 166 048 T MS en 2008, soit un accroissement d’environ 23% sur cette période. Il en est de même pour le reste de l’Europe : la Wallonie – 90%, le Luxembourg – 70%, le Danemark – 67% ou les Pays-Bas – 4% (J. Cabaret et al, 2002). Notons cependant que ces boues représentent 2% des déchets épandus en agriculture contre 94% pour les déjections animales (A. Dudkowski, 2000).