Le rapport aux toilettes et à l’eau (deuxième partie)


L’arrivée de Napoléon Ier fut un tournant dans l’histoire hygiénique de la France. A cet effet, il est considéré par les historiens comme le roi le plus soigné qu’ait connu la France. Durant tout le XIXe siècle, on constata au travers de traités, de dictionnaires, de manuels, et tout ceci à la lumière du corps médical, que l’hygiène publique devenait une véritable préoccupation. Petit à petit, l’eau revint au cœur du problème de l’hygiène corporelle. Ce faisant, il fallut progressivement rendre cette dernière plus accessible. Les réseaux d’eau potable et de tout-à-l’égout firent alors peu à peu leur apparition. Une tendance au « confort[1] » s’imposa progressivement chez les bourgeois les plus aisés désormais installés au pouvoir.

Ce n’est que sous l’autorité de Napoléon III et d’Haussmann que l’eau se mit progressivement à la portée de tous dans Paris. Des réseaux d’acheminement de l’eau venant de province sont effectués. Dans le même temps, un vaste réseau d’égouts de 140 km vit le jour en 1852 se chargeant d’évacuer les eaux pluviales et ménagères. Il était de 560 km en 1869. Ces travaux colossaux furent les premiers d’une longue liste intervenant à la suite d’un décret sur l’obligation du tout-à-l’égout (loi du 12 juillet 1894) dans la capitale.

La mise en place de l’eau courante dans Paris au moyen du robinet amorça la conquête de l’ensemble des commodités du bien-être hydrique, et en particulier l’usage de la chasse d’eau dans les cabinets à l’instar des Britanniques. C’est en effet grâce à Thomas Crapper, un jeune et industriel plombier londonien, que l’on dut au milieu du 19ème siècle l’arrivée de la chasse d’eau à réservoir (water waste preventer) pour contrer les méfaits de la « châsse à flux continu » mettant à sec les réservoirs de Londres (How to shit in the woods – p 24, Kathleen Meyer, 1989). Cette nouvelle ère industrielle dont découla l’invention de M. Crapper est la résultante d’une longue suite d’ustensiles de salle de bains qui ne cessent d’être mis au goût du jour encore aujourd’hui (lavabo, toilettes, douche, bain, robinetterie…). A cette époque, l’accès à un tel confort de vie n’était réservé qu’à une élite sociale. Les maisons ouvrières n’étaient pas dotées d’un cabinet de toilette  car l’eau courante n’arrivait pas dans leurs foyers. Dans les logements collectifs précaires de Paris, le cabinet de toilette appelé plus communément « le cuveau » se voyait placé sur le palier commun. Comme nous le rappelle  M. Guerrand (2002), « force est de constater que, dans les années 1930, les usages de l’eau à des fins hygiéniques ne sont pas encore entrés dans les mœurs ». Ainsi, les salons et les concours d’électroménager se succèdent avec de plus en plus de succès auprès des français pouvant ou ne pouvant accéder aux articles proposés. En 1933, sur 616 villes de 5000 habitants, 324 possèdent un système de distribution d’eau.

[1] Mot provenant de l’Anglais comfort désignant sous la Restauration (1814-1830) tout se qui constitue le bien-être matériel. Alors que les progrès techniques sont en pleine explosion, la classe dominante ne met pas au premier plan de ses préoccupations l’installation du chauffage, de l’éclairage et de l’eau courante, tout ceci par souci de dominer le corps en évitant de se laisser aller comme l’aristocratie le faisait préalablement, les amenant, selon eux, à leur déclin.