Du déchet au débris : une prise de conscience de la ressource fécale


L’attribut que l’on donne à nos matières excrémentielles est souvent, pour ne pas dire toujours, celui de déchet. Ce terme, aux allures péjoratives, pose donc problème quant à la représentation que l’on se fait de nos fèces et urines.

Le terme de déchet tel que nous le définissons aujourd’hui (résidu anthropique inutilisable, sale et encombrant dont il faut se débarrasser – Larousse 2009) serait apparu vers 1830, à l’époque où l’approche hygiéniste faisait son apparition en Europe occidentale, et plus particulièrement dans les capitales (Londres, Paris, Amsterdam).  C’est un problème avant tout urbain qui a trouvé ses maux dans une surpopulation d’individus au même endroit. Dans sa définition actuelle, plus élaborée, le déchet peut désigner n’importe quelle matière (solide, liquide, gazeuse) ayant subi une altération physique, chimique la destinant à l’élimination ou au recyclage… dans la mesure du possible !

Roger Brunet, dans son dictionnaire  Les mots de la géographie (1992), définie les déchets comme « un produit inévitable de l’activité humaine dont le traitement est coûteux et difficile ». Dans une deuxième définition c’est aussi le produit de la nature et dans ce cas on parle de débris. Partant de ce postulat, il convient de demander quelle place ont aujourd’hui les excrétas dans la perception sociale ? Dans un petit laïus sur les déchets de l’ouvrage de C. Elain (2002), ce dernier nous expose dans quelle ambivalence peut nous mettre cette « chose  inconnue, pourtant si commune ». Tantôt regardée comme infâme détritus et, un peu plus tard comme matière noble, voire thérapeutique, ou bien les deux en même temps. En ce début de 21ème siècle, observer le rapport que nous avons avec nos fèces et urines peut manquer d’intérêt car la solution est toute trouvée : je tire la chasse et tout s’en va ! Sentiment négatif à l’encontre de ce que nous libérons de nous-mêmes. On convient, au travers de cette perception, nos déjections rentrent dans la première définition de Mr Brunet. Mais, ne serait-il pas possible de faire que ce déchet présumé, produit de nos intestins dont la manifestation n’est entre autre qu’un surplus de nourriture non-assimilé par l’organisme, devienne un débris ayant un fort potentiel nourricier pour l’agriculture ?  Il en deviendrait ainsi une ressource « propre » (après compostage) pour l’Homme et ses activités agricoles, chose qui est loin de faire l’unanimité aujourd’hui sur notre territoire.